De tout mon coeur j’espère que vous êtes en bonne santé, l’esprit paisible et de bonne humeur, ou au moins un des trois ! C’est le 13ème jour de confinement en France et le 12ème en Belgique. J’ai l’immense chance de vivre cette étrange expérience depuis la campagne aveyronnaise, je suis en forme physiquement, et je pense chaque jour à celles et ceux qui n’ont pas cette chance. Sur les réseaux sociaux je vois la plupart de mes collègues contribuer à une explosion de créativité pour que le chant collectif et l’apprentissage ne s’arrêtent pas, en enregistrant des improvisations coopératives à distance, en explorant de nouvelles plate-formes et technologies pour tenter de contourner les problèmes de latence de la visioconférence, en inventant de nouveaux outils pédagogiques… Et chaque jour je me demande « et moi, qu’est-ce que je peux faire pour aider ? »
En “temps normal”, cela n’aurait pas été difficile. Je me forme et enseigne par visioconférence depuis 2010, et bien que je n’en aie jamais partagé publiquement, j’ai déjà enregistré des centaines de vidéos pédagogiques, bref je suis plutôt bien armé pour la transmission à distance. Sauf que voilà, mon élan à participer à tout ça est actuellement proche du néant… Cela vient principalement du fait qu’autant j’ai la chance d’être en santé et dans un environnement de rêve, autant je traverse des choses difficiles au niveau émotionnel. Je ne vais pas vous raconter ma vie personnelle, c’est juste pour vous dire que j’ai intensément besoin de me centrer sur moi en ce moment. De plus, quand bien même aurais-je l’énergie, je n’en aurais pas les moyens techniques, étant confiné dans un endroit où la connexion internet est lente et limitée.
Et puis j’ai eu l’idée de quelque chose que je pourrais faire, qui ne me demanderait quasiment pas d’énergie, ne nécessiterait pas une bonne connexion internet, et pourrait je l’espère un peu embellir le quotidien de certain·e·s d’entre vous : vous partager chaque jour un petit enregistrement d’improvisation faite sur mon looper ces dernières années.
J’appelle ça des “patchs”… Je vous explique le principe (alerte paragraphe de geek en approche).
Depuis 2011, j’ai des périodes où j’improvise quotidiennement chez moi avec mon looper (j’ai commencé avec le Boss RC50, puis je suis passé au RC505). Je crée des boucles, des arrangements, je fais des solos… parfois je l’aborde comme un exercice sur telle ou telle notion que je souhaite développer, parfois j’imagine qu’un public m’écoute et j’essaye de faire un vrai morceau de musique qui maintienne en haleine, et parfois je prends tout mon temps et le vis comme une forme de méditation.
Quand j’ai fini, j’écoute le silence, puis je me demande si j’ai envie de garder en souvenir l’arrangement qui reste sur mon looper (le mot “patch” vient de là, c’est le terme technique des 99 emplacements de sauvegarde du RC505). Environ une fois sur trois, je me dis que oui j’ai envie de le garder. Il est facile de brancher le looper sur un ordinateur et d’y sauvegarder les données, cependant on récupère ainsi des fichiers de pistes séparées et ne durant qu’un seul cycle, donc à moins de les transférer à nouveau sur le looper, cela ne permet pas d’écouter tranquillement l’arrangement complet. Au bout de quelques années, j’ai pris une nouvelle habitude pour mieux profiter de ces souvenirs. J’ai branché mon bon vieil enregistreur Zoom H4 sur ma console de mixage et pour chacun des patchs que je voulais garder, j’ai enregistré un petit morceau de 1 à 3 minutes où je fais rentrer et enlève les différentes pistes dans un certain ordre. C’est (souvent) court, cela ne contient pas du tout de solo (celles et ceux qui ont suivi mes stages savent ô combien je valorise les solos dans l’improvisation pour capter l’attention et transcender le propos musical), mais c’est pour moi une agréable manière de me remémorer une ambiance ou une idée que j’ai appréciée sur le moment.
J’ai déjà partagé un bon nombre de ces patchs aux gens qui ont fait Improvie ou qui ont suivi certaines autres formations avec moi, mais jusqu’ici je ne les ai jamais communiqués publiquement. Je ne l’ai jamais fait pour la même raison que je n’ai jamais partagé d’enregistrements de la soixantaine de chansons que j’ai composées avant de basculer complètement dans le chant improvisé : j’ai la trouille de ce que certaines personnes en penseraient.
Bien sûr je sais que j’ai plein de “fans” qui n’en penseraient que du bien, ce ne sont pas eux qui m’inquiètent, mais j’imagine que plein d’autres relèveraient les nombreux défauts que j’y relève. Je ne me souviens pas avoir déjà été pleinement satisfait d’un de mes enregistrements. Perfectionniste ? Oui, c’est peut-être une des raisons pour lesquelles je suis devenu aussi passionné d’improvisation, pour enlever tout pouvoir (ou en tout cas réduire ce pouvoir) à la part de moi qui cherche désespérément à ce que tout soit parfait. Avec l’improvisation au moins, ce n’est en quelque sorte jamais parfait, donc autant s’y faire.
Mais autant je suis plus ou moins arrivé à m’y faire en improvisant en live, autant partager publiquement ces imperfections, je n’étais pas encore prêt… jusqu’à ce que je pense au bien que cela pourrait faire à certaines personnes en ce moment.
Désolé donc, pour les fausses notes, les fragilités et les imprécisions rythmiques. J’ai gardé ces patchs pour différentes raisons… parfois parce que je trouvais un rythme intéressant, parfois parce que cela me faisait rire, parfois parce que je trouvais ça beau. Ce n’est pas grand chose, mais si quelques-unes de ces impros peuvent vous toucher, vous amuser ou vous inspirer, j’en serai profondément heureux (et faites-le moi savoir si vous en avez l’élan) !
Concrètement, j’ai créé une playliste sur SoundCloud.
J’ajouterai chaque jour un nouveau patch jusqu’à la fin du confinement, et je le partagerai sur mon journal Facebook.
Je nous souhaite tout le meilleur pour les semaines et les mois particuliers à venir… Puissions-nous prendre soin de nous, prendre soin les uns des autres et prendre soin de tout ce qui nous entoure.